Arles 2014 – Une Parade, en texte et en images
Arles ? Les rencontres photo ? Une géographie des regards…
Une grande artère traverse la ville d’est en ouest.
D’un côté, la vieille ville et ses rues ombragées brassant un flot humain ininterrompu, mélange d’amateurs d’images et de touristes en tous genres, dans des lieux plus patrimoniaux les uns que les autres. Pour y parcourir des expositions en général plus grandioses, de photographes confirmés, de classiques de l’histoire de la photographie. Comme pour ne pas perturber la sacralité passée de ces lieux. Chapelles, églises, cloître et autres édifices magnifiés par le temps.
De l’autre, on trouve le Parc des anciens ateliers SNCF. On n’y vient pas par hasard. Grande friche industrielle ouverte au soleil et à la chaleur du Sud. De grands espaces vides d’où émergent ces bâtiments témoins là aussi d’un époque révolue, convertis en lieux d’exposition tendance, plus propices à la monstration de scénographies léchées. Plus propices à la découverte aussi. Mais avec une logique de visite Ikéa-enne; des colonnes de fourmis munies d’ appareils photo suivant le chemin que l’on a tracé pour eux.
Deux ambiances différentes mais tellement complémentaires, et c’est cette combinaison qui a fait le succès des rencontres de la photographie d’Arles nouvelle version depuis quelques années, depuis que les Ateliers SNCF ont été ouverts à la photographie. Période qui coïncide avec l’arrivée de François Hebel à la tête des Rencontres.
Métamorphose du Festival en l’espace de 10 ans, changements structurels et fonctionnels, pour en faire une superstar et une superfête annuelle de la photographie.
2014 est la dernière édition de cette ère. François Hebel arrête.
Maja Hoffmann, héritière des industries pharmaceutiques Roche, arlésienne de cœur, sponsor des Rencontres depuis plus de 10 ans – et ancienne trésorière – a racheté les terrains SNCF, via sa Fondation LUMA, aux institutions locales pour plusieurs millions d’euros.
L’idée ? Créer un campus tourné vers l’art contemporain avec en point d’orgue la construction d’une tour LUMA – navire de guerre, phare moderne, c’est selon… – signé Franck Gehry. Campus réduisant à peau de chagrin les possibilités d’accueillir des expositions de photographie.
François Hebel s’est battu. Il n’a pas été entendu.
Il a donc organisé sa dernière édition comme une Parade, invitant des photographes qui ont fait l’histoire de ces dernières éditions.
Querelles économiques et politiques. Affaires d’euros et d’égos. Largement relayées par les médias, pas que spécialisés, pas que locaux.
Pas le lieu ici de rentrer dans des détails complexes et inutiles, de prendre parti.
Pas question ici de faire du sentimentalisme, une page se tourne et c’est comme ça.
François Hebel n’est plus. Vive François Hebel !… et merci
A vous, M. Sam Stourdzé de relever le défi.
Bien sûr cette vision parait simpliste, réductrice, parce qu’elle est subjective. Mais elle est assumée, comme l’est -doit être – la photographie.
Et pour finir sur du « plus ludique », du plus « conforme » à ce qu’on est en droit d’attendre d’un blog sur la photo, les « j’aime ». Là aussi, purement subjectifs. Et assumés, toujours.
Une édition dans la continuité des précédentes avec toujours de belles découvertes, du plaisir à voir certains photographes confirmés.
Et toujours aussi quelques expos où on se dit « C’est quoi ce foutage de gueule ? En en plus ils se sont mis à deux pour faire ça !?!?!?!?!?!?!?!?!?!? ».
>> L’exposition « 1914-1918 : 40 000 monuments, 1 350 000 morts », fruit d’une collecte nationale de photos des monuments aux morts érigés dans nos 36 000 communes. Sous l’égide de l’Université de Lille 3 (voir la base de données)et sous la direction artistique de Raymond Depardon. Belle scénographie, simple et anonyme.
Exposition prolongée par La guerre des enfants de Léon Gimpel, photographies de 1915.
Et, cerise sur le gâteau, le plaisir d’en discuter directement avec Raymond Depardon et de se faire dédicacer le catalogue de l’exposition, livre auquel j’ai collaboré avec fierté (là, plus subjectif, y’a pas !).
>> La collection Walther, qui via une approche originale « Typologie, taxonomie et classement sériels », permet de balayer de grands pans de l’histoire de la photographie. De Sander aux photographes africains et chinois contemporains en passant par Blossfeldt, Becher, Avedon.
>> La collection Christian Lacroix et plus spécialement les portraits des Reines d’Arles par Katerina Jebb.
>> Une expérience originale et très intéressante. Les photos de Michael Ackerman (que j’aime particulièrement) sonorisées par Vincent Courtois au violoncelle, sur la scène du Théâtre d’Arles. Performance artistique de haut vol concoctée par Christian Caujolle. Fascinant, quasi hypnotique.
>> L’exposition Lucien Clergue « Les hommes et les femmes de Lucien Clergue ». Une belle rétrospective, très bien complétée par un documentaire de 1 heure, à voir absolument.
>> Dans la programmation Voies Off, l’expo Off the Wall, dans le nouvel espace d’exposition des ateliers SNCF qui préfigure ce que sera l’avenir de ce lieu.
Off the Wall, nouvelle venue dans le monde des revues photographiques. Revue de grande qualité, atypique, énergique.
>> Les différentes expositions sur la thématique du portrait : David Bailey, Patrick Swirc, Vincent Perez (oui l’acteur et aussi réalisateur), Denis Rouvre, Maud Bernos (Jeune Talent SFR).
A l’année prochaine…
Elisabeth DUFRESNE
Très bonne synthèse qui parle même à ceux qui comme moi ne sont jamais allés à Arles. Je voudrais rendre hommage au graphiste Michel Bouvet qui réalise depuis quelques années ces très belles affiches aux couleurs vives avec juste quelques points de trame qui nous rappellent qu’une photo pour vivre doit passer par les media imprimés aussi ! La typo que vous avez choisie met bien en valeur votre propos.
Stéphane Chalaye
Merci de votre retour.
Vous avez raison, les Rencontres d’Arles ne seraient pas non plus tout à fait pareil sans le superbe travail d’affichiste de Michel Bouvet, qui coïncide également avec l’arrivée de François Hebel à la direction. Ses affiches participent pour beaucoup à l’identité de ce festival.
Comme pour tous les événements culturels de renom, l’officialisation de l’affiche est un moment important et synonyme de compte à rebours pour les fans – et je pense là aussi aux affiches de Bruno Thery pour Jazz à Vienne (http://www.brunothery.com/site_ok.htm).
Qu’en sera-t-il pour les prochaines éditions ?
L’édition 2011 lui avait consacré une belle exposition et rétrospective.